mardi 1 mars 2011

L'échafaud

Histoire coécrite par Kindy, Najma, Marliyatou et Mariama dans le cadre du concours de récits fantastiques organisé par la Confédération Parascolaire et le BIFFF.

« Tout a commencé hier, au milieu de la nuit. J’ai fait un cauchemar angoissant. Un vieil homme habillé singulièrement, avec une robe marron et une perruque blanche, me parlait. Je voyais ses lèvres bouger au ralenti mais je ne l’entendais pas.  Lorsque je me suis réveillée, le visage plein de sueur, ma sœur m’a dit que je n’arrêtais pas de répéter : « Ne reste pas dans ce parc ! » Avec difficulté, je me suis rendormie.
Le lendemain, mes amies et moi allions visiter le musée Belle Vue avec l’école. Vers midi, nous avons quitté le groupe et nous sommes allées dans le Parc Royal.  Nous nous sommes assises sur un banc ; sur celui d’à côté, il y avait un homme âgé qui portait des vêtements démodés et sales.  En le voyant, mes amies se sont moquées de lui. Quant à moi, j’étais pétrifiée! C’était lui, l’homme du cauchemar de la nuit dernière. Kindy m’a appelée et je suis revenue à moi. L’homme avait disparu. Mais Mariama et Marliyatou aussi. 
La dernière fois que je les ai vues, elles étaient là, sur cette plaque d’aération, m’a confié Kindy.  Nous nous sommes approchées et le sol s’est ouvert sous nos pieds.  Nous sommes tombées dans l’obscurité pendant de longues minutes.  Je croyais que ça ne s’arrêterait jamais. Quand nous avons touché le sol, nous étions au même endroit, mais les arbres du parc n’étaient plus là.  Un gigantesque château se dressait devant nous. Il semblait habité mais les larges fenêtres restaient vides. Nous avons fait tout le tour pour essayer d’entrer mais la muraille grise qui l’entourait n’avait aucune ouverture. Nous admirions la magnifique façade toute sculptée quand nous avons entendu des gens qui hurlaient : « A mort ! A mort ! » Déjà, une masse d’hommes et de femmes furieux nous avaient rejointes et nous poussaient dans la rue jusqu’à une espèce d’estrade.
Ca ressemblait aux exécutions dont la prof d’histoire nous avait parlé.  Je cherchais le condamné à mort quand Kindy a crié : « Regarde, Najma, ce n’est pas possible ! »
Marliyatou se trouvait là, assise, habillée d’une robe blanche très simple, les mains attachées !  Un bourreau en cagoule rouge, à côté d’elle, demandait à la foule : « Est-ce que quelqu’un peut témoigner pour cette sorcière ? »  Et Kindy s’est soudain jetée sur lui et l’a violemment démasqué. Nous avons constaté avec horreur que le bourreau était Mariama ! 
Des gardes avaient attrapé Kindy. Je me retrouvais seule ; je traversais la foule de plus en plus enragée.  Je devais chercher un moyen d’arrêter cette folie.  Je suis revenue devant le château.  Je voulais retrouver l’endroit exact où nous étions tombées.  Je marchais dans tous les sens puis, sans comprendre ce qui m’arrivait, j’étais à nouveau dans le parc. 
Affolée, les cheveux décoiffés,  les vêtements sales, je me suis jetée sur les autres élèves de la classe.  J’ai tout raconté aux professeurs.  Ils ne comprenaient rien à mon histoire, alors j’ai commencé à hurler et à pleurer.  Ils n’ont plus voulu m’écouter. Ils ont appelé une ambulance qui m’a emmenée ici, dans votre hôpital.  Je sais ce que vous pensez. Mais je ne suis pas folle! Je vous le jure ! Vous m’écoutez ? Vous devez arrêter cette exécution ! Allez au parc royal tout de suite, qu’est-ce que vous attendez ? »
Les deux infirmières des urgences ne savaient pas quoi penser.  L’une d’entre elles est sortie et lorsqu’elle est revenue avec un médecin qui d’après son âge devait être très expérimenté, Najma, les yeux baissés, recommençait à raconter son histoire.
Cependant, lorsqu’elle a relevé les yeux, Najma savait que ça ne servait plus à rien de demander de l’aide : elle connaissait déjà le visage blafard du psychiatre.